PlayStation   Tetsuya Komuro / Gaball Screen   Aventure   1996  PAR Folkefiende 





S'il y a un truc qui laissera toujours les joueurs dubitatifs, ce sont bien les jeux à licence. Après tout, comment pourrait-on sérieusement faire confiance à ce qui est avant tout une stratégie marketing ? Surtout lorsqu'on a grandi avec le paysage vidéoludique occidental des années 90, qui était bourré d'adaptations médiocres finissant dans les caisses à rabais des grandes surfaces ou carrément de produits estampillées McDonald's, Barbie ou M&M's... Bien sûr, pas mal de jeux à licence ont fait leurs preuves au cours de l'histoire malgré tout : Des oeuvres comme The Lion King de Westwood sur SNES, GoldenEye 007 de Rare sur Nintendo 64 ou encore plus récemment Batman: Arkham Asylum de Rocksteady sur la current gen ont prouvé qu'avoir un copyright slappé sur une boîte ne signifiait pas forcément que le jeu avait été bâclé par son développeur pour autant !

Cela dit, tout ces exemples relèvent des États-Unis ou de l'Europe. Du coup, qu'en est-il du Japon ? Au final, les adaptations sortant du monde du manga et de l'anime y sont assez rares. On pourra noter l'adaptation du film Sweet Home par Capcom sur Famicom ou encore les deux adaptations de l'émission Game Center CX par indieszero sur Nintendo DS, mais la situation et le développement de ce type de marketing ont été pas mal différents dans l'archipel. Disons que les copyrights concernés pouvaient être plutôt... intrigants. Après tout, faut-il rappeler que Shigesato Itoi a son propre jeu de pêche, sorti sur Super Famicom puis remaké sur Nintendo 64 ? Hé, y a encore pas si longtemps, y a bien eu un jeu Mameshiba sur 3DS ! Mais replongeons-nous dans les 90's nippones... avec Tetsuya Komuro / Gaball Screen.

Le nom de "Tetsuya Komuro" ne vous dit rien ? Ce n'est pourtant pas n'importe qui, puisqu'il s'agit tout simplement d'un des producteurs de musique pop les plus accomplis des années 90 ! Les albums qu'il a touché ont totalisé plus de 70 millions de ventes rien qu'au Japon, et on considère souvent qu'il a façonné la J-Pop en introduisant la musique dance dans le grand-public japonais. Son historique de collaborations en tant que producteur est évidemment assez large : Il a bossé autant avec des boys band américains et des idols à la mode qu'avec des personnalité telles que Jean-Michel Jarre, Nile Rodgers ou encore Ryuichi Sakamoto ! Il est aussi le leader du groupe d'electro-dance globe et le claviériste du groupe de synthpop TM Network, et même compositeur de trance à ses heures perdues. Un sacré parcours...



Tetsuya Komuro, l'incarnation même de ce qui était hype dans les 90's... Notez, il a toujours sa popularité aujourd'hui.


Il se trouve aussi qu'en 1996, au pic de son succès, Tetsuya Komuro ait décidé de produire un jeu vidéo à son nom sur PlayStation. Le titre a été développé par le très obscur studio System Sacom qui a disparu deux ans après, et publié par un label musical de Sony appelé Antinos Records qui n'avait jusque là publié sur la console que des singles de pop idol... Oui, de la musique, pas des jeux, mais exclu PlayStation quoi. On a de l'imagination chez Sony... Cela dit, vu le faible nombre de ces "non-jeux" et le fait qu'on ait plus jamais entendu parler d'eux après la fin de cette année, ça a pas du être un succès phénoménal. Mais pas de panique : Gaball Screen est, lui, bel et bien un vrai jeu ! Plus ou moins...

L'aventure s'ouvre sur une cinématique mettant en scène Komuto, en chair et en os, dans un salon hi-tech en CG absolument dégueulasses. C'était les 90's, pas de doute. Bref, on le voit d'abord jouer du synthé, visiblement en train de composer un truc. Ensuite, il s'arrête et ouvre un paquet-cadeau contenant des chaussures, qu'il repose aussitôt sur son sofa. Euh... D'accord. Après ça, il décide de se lever et de marquer un trois points avec son ballon de basket parce que, oui, il a un panneau dans son salon et qu'il fait ce qu'il veut chez lui, merde. Puis au final... ben il prend son attaché-case et il se tire. Hé ouais. Et vous ne le reverrez pas du restant de l'aventure ! Komuto n'est effectivement PAS le héros de son propre jeu. Mais qui est-ce, alors ? Hé bien, revenons au paquet-cadeau de tout à l'heure. Après que la porte se soit refermée derrière le producteur, une des chaussures de la paire qu'il contenait s'illumine et prend soudainement vie. Elle s'empresse de chipoter au synthé et, forcément, ça finit mal : Y a un bug ou je ne sais quoi, et en gros ça fait... s'éparpiller des CDs un peu partout. Toute penaude, la chaussure décide de réparer sa faute et se lance tête semelle la première dans l'écran pour aller récupérer ces disques dans différents mondes virtuels.



Oui, il se casse vraiment de son propre jeu après deux minutes. Le vrai héros, c'est lui... ou elle, je sais pas.


Donc oui, vous contrôlez une chaussure. Mais pas n'importe quel type de chaussure : Une chaussure volante. Vous débutez dans le salon de Komuto, mais il n'y a rien à y faire... à part prendre exemple sur le maître et marquer un trois points. Bref, reste donc à entrer dans l'écran du synthé comme dans l'intro. Ceci fait, vous accédez à un menu qui se trouve en fait être une playlist de chansons composées par Komuto, sept au total. Chaque track est connectée à une suite linéaire d'univers bien précis, mais vous pouvez choisir librement l'ordre dans lequel vous les faites et quitter un univers à n'importe quel moment pour revenir au menu du synthé.



Allez, c'est parti ! Un, deux, trois... WOOOOOOOOOO, I'M A SHOOOOOE!!


Une fois que vous avez choisi une chanson, vous êtes donc propulsé dans un de ces univers : Ils prennent la forme d'ères de jeu relativement restreintes aux thèmes divers (plage, cuisine, stade, etc) dans lesquelles sont disposés différents objets, décors ou personnages avec la majorité desquels vous pouvez interagir. Certains éléments vous répondront par un simple gimmick purement cosmétique, mais d'autres sont vitaux à votre progression. Comme vous l'aurez compris, votre but est de récupérer les CDs qui se sont éparpillées dans les univers, et c'est en "activant" certains de ces éléments que vous pourrez récupérer les disques tant convoités. Parfois, une simple interaction suffit ; d'autres, ça demande la résolution d'une petite énigme super simpliste. Globalement, c'est vraiment juste du clic par ci par-là : Le concept est plutôt simplement de laisser découvrir un univers pour le plaisir que de poser un quelconque défi au joueur.

Chaque univers au sein d'une track possède un certain nombre de CDs cachés dans ses décors, et ce n'est qu'en les récupérant tous que vous pourrez accéder à l'univers suivant. Quand vous débarquez dans un monde, un indicateur en haut à droit vous indique le nombre de CDs à trouver dans la zone : Il vous faudra tous les trouver d'une traite pour pouvoir les garder et qu'ils soient comptabilisés. Notez qu'employer l'expression "d'une traite" peut paraître abusif, puisque se tout se fait en quelques minutes en général, de toute manière. Mais ces CDs ne sont pas que de simples artéfacts à récupérer : En effet, ils représentent tous un instrument de la track en question, et la musique de fond se reconstitue au fur et à mesure que vous les retrouvez !

Une fois que vous aurez mis la main sur les cinq disques dispersés dans la suite d'univers d'une track, la piste est donc complète et vous êtes récompensé... par un clip vidéo ! En effet, lorsque tous les univers d'une track ont été complétés, le bouton vous permettant d'y accéder est remplacé par un autre bouton qui vous permet de visionner un clip de la track que vous venez de recréer, en qualité CD et avec des chanteurs cette fois-ci. Et quand vous les avez tous débloqués, vous avez même droit à un clip bonus ! Génial, non ? Bon ok, non. Mais il faut bien se dire que c'était là la finalité du jeu, hein, fallait pas vous attendre à des artworks d'Amano non plus...



Certains évènements sont juste là pour la déconne. En général, ceux qui sont nécessaires pour avancer sont assez... inattendus.


Malgré tout, le jeu est assez rigolo à parcourir. Les univers que vous traversez sont diversifiés, colorés, drôles et... globalement, pas mal bizarres. Faut dire que dans un monde où les chaussures ont le pouvoir de prendre vie, de voler dans les airs, de traverser le cyberespace et de marquer des trois points, rien n'est impossible. En fait, je me demande si les développeurs ont pas tout simplement décidé de partir sur un délire et de l'assumer jusqu'au bout... Le résultat, c'est un espèce de mini-hybride entre un WarioWare et LSD: Dream Emulator, avec une esthétique complètement déphasée et techniquement au ras des pâquerettes. Dans ce périple surréaliste, vous visiterez entre autres un Paris en papier, une salle de bain habitée par une pieuvre géante ou encore une banlieue américaine peuplée d'aliens gagnés à la culture hip-hop ! C'est bien ça l'intérêt du jeu, au final : Plutôt que de regarder les clips débloqués, simplement être une chaussure volante et visiter les différents mondes absurdes à l"intérieur du synthé de Komuro... Oh, hé bien sûr, tout ceci sur fond de musique produite par ce dernier ou un de ses proches collaborateurs !



C'est vraiment n'importe quoi, et sans doute fait avec un budget de misère en plus... mais c'est pour ça que c'est bien.


Ne vous attendez pas à du shoegaze ou du breakcore, évidemment. Komuro est une figure importante de la musique moderne, c'est vrai, mais il produisait des trucs accessibles pour le grand public avant tout : Ce qu'on retrouve dans ce Gaball Screen, c'est surtout de la variété tournée vers l'électronique avec de la dance-pop ou du R&B contemporain, voire de l'eurodisco. Du "easy listening" quoi, le genre de truc qui passait en club, à la radio ou à la télé à l'époque. Étrangement, ça contribue très bien à l'ambiance du jeu, puisque ça donne un aspect mièvre et branché à ce qui reste avant tout le voyage d'une chaussure à travers des univers sans aucun sens ! Vous retrouverez donc dans la playlist SHUBI-DUBI, DUBI-DUBA avec Yukie Nakama ; Yume no Tsuzuki avec les NO! Galers ; CRY-MAX avec Rina Chinen ; ....I'm not in love avec Chie Iwashita ; DO I, DO IT avec les B☆KOOL ; waiting for... avec Ryoko Shinohara ; discovery avec Takashi Utsunomiya ; et detour en bonus où se retrouvent au chant encore une fois Takashi Utsunomiya, Naoto Kine et... Tetsuya Komuro lui-même. Et je vous parle même pas des clips... Vous avez vécu ces années vous aussi, vous savez jusqu'où la cheesiness est capable d'aller !



... Bon ok, ça a son charme. Mais les 90's, c'est comme la Corée du Nord : Ce n'est rigolo que tant que ça reste loin de nous.


Au final, c'est assez difficile de dire ce qu'on a pu penser d'un jeu tel que Gaball Screen. Sûr, c'est du marketing pur en tant que produit final ; mais j'essaye de me mettre à la place des mecs de chez System Sacom, surtout le game designer, qui se sont retrouvés avec un truc pareil sur le dos... et qui sont tout de même parvenus à en faire un LSD-like complètement à côté de la plaque mais jouable malgré tout. Moi je dis, chapeau !

Vous noterez que le jeu est sorti en deux versions : Une classique, et une "édition limitée". Ils étaient déterminés chez Antinos Records... Je n'ai absolument aucune idée de ce que cette édition limitée contient de plus que celle de base cela dit, même si la boîte apparemment plus large laisse supposer qu'elle contenait un CD bonus... L'OST, j'imagine ?


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