Gradius et le romantisme   PAR Haganeren 







Dans l'espace infini, rien de ce qui est imaginable est impossible.
Chaque planète nouvelle est le siège d'un nouveau délire, chaque fois plus inoui que les délires anciens.
Et les fous, jamais ne s'en lassent...





Qu'aime-t-on dans le jeu vidéo ?

J'aime à dire que l'une des plus grandes particularités du jeu vidéo c’est sa diversité. Certes, dans un livre on peut imaginer des tonnes de façon de raconter une histoire mais rien qui ne soit un grand écart aussi absurdement grand qu’entre un blockbuster cinématographique à la Uncharted 4, les histoires de dynasties remplies de guerres et d’imprévues d’un 4X à la Crusader Kings ou les parties quasi automatique d'un match trois sur téléphone. L’arcade et le shoot-em up, en particulier, ont une approche très utilitariste de la chose avec certains jeux comme QIX frôlant l'abstraction la plus totale… Mais la plupart ne peuvent s’empêcher d’inventer un petit "setting", ça peut être simplement un contexte sportif ou des courses de véhicules, ça peut être des choses plus fantasques comme repousser une attaque alien, traverser la route en tant que grenouille, voir carrément incarner un militaire durant une guerre moderne combattant des ennemis euh... Qui gènent le moins possible le pays dans lequel il sort.


L'arcade peut parfois aussi abstrait que Qix ( 1981 ) mais généralement il présente un petit setting comme Frogger ( 1981 ).
Xevious ( 1983 ) est un peu différent. Même si il représente un énième vaisseau spatial, son univers semble plus mystérieux...
Cela inspira les créteurs de Gradius.


En soi, le jeu vidéo contenait déjà une charge évocatrice hérité de ces simples jeux. Mais Gradius, en 1986 veut aller plus loin en s'inspirant de Xevious qui cartonnait dans les salles arcades à l’époque... C'est un shoot em up classique mais certains aspects paraissent mystérieux comme ces grandes plaques invincibles qu'on ne peut détruire ou le fait de survoler des Géoglyphes de Nazca. Ce genre de chose donnait soudainement tout un petit univers à ce jeu d'arcade pourtant très simple et ça, l'équipe de Gradius de l’époque l'avait bien noté.

Alors, ils ont voulu aller encore plus loin, d'exprimer le "sekaikan" des mots mêmes des créateurs c'est à dire l'histoire, le monde, le "setting" du jeu... Bref, ne pas simplement évoquer un monde qui appartient déjà à notre imaginaire mais en créer un unique au jeu ! et pour ce faire, pourquoi pas faire en sorte que tous les niveaux aient un look unique ! Nous étions en 1984 et cette idée était finalement assez nouvelle en ce temps, on rappelle que Super Mario Bros et ses niveaux variés n'arriveront que fin 1985 et était considéré comme extrêmement impressionnant pour l'époque ! Le plus amusant cependant et le point de cet article est comment ils les ont créés. Les développeurs avaient l'image d'anciennes ruines, de mystérieux monde de fantaisie avec lequel intéragir. Les croquis qu'ils avaient alors faits sont assez parlants ! On y voit comme des petits continents flotter dans l'espace, des lieux plus mécaniques ou plus abstrait...


Des continents volants, des mondes abstraits, étranges et surtout uniques.
Dès les premiers croquis ont voit s'exprimer l'atmosphère si particulière de Gradius, son romantisme.


C'est ça ! On est dans le monde de Gradius ! Un monde onirique au-delà du firmament où tout est possible et dans lequel je me surprends de rêver pouvoir m'y balader. Dans cet article un peu spécial, je ne souhaite pas décortiquer chaque Gradius et déterminer lesquels sont bons ou non. J'aimerais surtout faire un hommage et revenir dans les mondes surréalistes que la série nous fait visiter qui m'auront fait le plus rêver. D'explorer le romantisme de Gradius, ce mouvement de l'art qui explore les réactions du sentiment contre la raison pure ce qui semble bien approprié ici.


Les Volcans Inversés



C'est le premier niveau du premier Gradius et il annonce déjà toute la grammaire de la série.
Un vol dans l'espace intersidéral avec cette musique évoquant le vide stellaire... Puis l'occasion de détruire ses premiers ennemis et de récupérer les premiers power up ( c'est assez facile de se planter d'ailleurs ) et enfin on débarque sur.. "une planète" ?

Difficile à dire, il y a un sol en bas mais aussi un sol en haut avec des arbres et des volcans inversés ! Peut-être que dans le monde merveilleux de Gradius, les planètes sont plates et se font face ce qui ferait que lever la tête permettrait de voir une autre surface plane...  Voir des montagnes volantes semblant appartenir aux deux mondes !

Bien sûr, ce niveau évoque immédiatement le précédent shoot-em up de Konami : Scramble. D'ailleurs Gradius s'est longtemps appelé "Scramble 2" en interne. On y voyageait dans des reliefs abstrait mais non dépourvu d'arbres et de ce qu'on peut clairement identifier comme des montagnes... Un monde qui pourtant peut se métamorphoser en une grotte gigantesque au fil du jeu ! C'est ce que fera Gradius III en reprenant le concept de ce niveau en faisant plonger le joueur dans un long couloir vertical pour arriver dans la grotte renforçant ainsi le sentiment d'aventure.

L'endroit est peut être l'un des plus "concrets" des niveaux de Gradius car on sait tous ce qu'est un arbre et la taille qu'il peut avoir. Le vaisseau du joueur Vic Viper parait ainsi absolument gigantesque ! Peut-être survole-t-on un monde de lilliputiens ?

Échappé chez les moais



Classique de chez les classique et beaucoup plus connu que mes volcans inversés, la figure des moais accompagné d'une musique plus mystérieuse ( mais pas moins dynamique ) a marqué des générations de joueurs. Et pour cause, voir des figures bien connus de notre patrimoine humain sortis de leur contexte se balader dans l'espace intersidéral dans ce qui semble être des ilots volantes spatiales a un côté étrange... Et en même temps, ces figures étaient si mystérieuses de base qu'elles semblent autant être à leur place ici comme sur l'ile de Pâques ! Si on imagine remplacer les moais par genre des tableaux comme La Joconde dont on connait bien l'auteur ça nous paraitrait sans doute moins cohérent.

C'était l'une des premières idées d'environnement dans le jeu et on comprend que c'était pour contrer les "Géoglyphes de Nazca" de la concurrence. Tout comme eux les moais étaient en background à l'origine mais c'était peu palpitant ce pourquoi ils se sont mis à tirer des bulles au joueur... Et en grande quantité avec ça ! Ils en balancent tellement qu'ils obligent souvent à fuir dans le niveau ! Une partie de cache-cache qui marche drôlement bien car le niveau boucle verticalement ! C’est-à-dire qu'en allant constamment en bas on finit par réapparaitre en haut du niveau... Mais dans le cas de Gradius on ne voit pas du tout la transition on a donc l'impression que le niveau s'étend infiniment en haut et en bas ce qui fait qu'on semble tomber sur des situations nouvelles à chaque tournant !

Ce type de niveau "qui boucle" sera utilisé dans d'autres circonstances mais je le trouve particulièrement réussi ici ! Le joueur même sur armé va devoir fuir les projectiles autant qu'il le peut pour échapper aux terribles moais.... Enfin sauf si il a les compétences nécessaires pour tout détruire à la fois, mais je n'ai personnellement pas ce niveau de jeu.

Les moais en eux-mêmes gagneront en possibilité au fil des épisodes. Dans Gradius I ils sont simplement attachés au sol et certains à l'horizontal sont particulièrement dur à toucher. Dans le II, ils sont capables de se retourner. Dans le III, ils sont capables de cracher un autre moai pour qu'il s’implémente et crache des bulles à leur tour... Ce sont des ennemis étranges où tout est possible... Comme tiens, dans Gradius III toujours, certains deviennent obèses en se faisant tirer dessus... Ca parait rigolo dit comme ça mais en grossissant ils grossissent leur hitbox et c'est un ENFER de ne pas y mourir !

Bon, sur cette dernière idée ils y auront peut-être perdu en aura mais il est difficile d'imaginer un épisode de Gradius sans ses moais... Ça existe cela dit.

La forêt fantasmagorique



Plus loin dans le premier Gradius on tombe sur cet étrange niveau.

Partout je le vois présenté comme un niveau biologique, mais je le trouve assez différent de ce qui sera fait par la suite... Il a même un côté un peu technologique avec des bords de niveaux rappelant comme des cables électriques et sa mélodie un peu dansante. Le constat est sans appel : Je ne sais pas ce que c'est, mais on peut y détruire les murs petit à petit pour se frayer un chemin. C’est l’une des premières interactions qui a été imaginé pour un joueur

Bon à la fin ça doit être un niveau organique quand même vu la tête du boss...
Y a peu de boss différent dans le premier Gradius. On y bat quasi toujours un boss évoluant peu et s'appelant "Big Core" du coup ça rend ce monde encore plus particulier à mes yeux.

Ballade au milieu des soleils



Le chef d'oeuvre de Gradius 2, on y slalome entre les soleils d'où sortent d'énormes dragons de feu nous poursuivant. C'est le premier niveau car en arcade il n'est pas rare que les niveaux les plus réussis esthétiquement soit mis au début pour attirer le client ! Et en vrai le niveau est plus délicat à appréhender que le suivant typiquement, car les astres brûlants sont de plus en plus rapprochés et les dragons peuvent surgir de nulle part. Regardez la vidéo, j'ai bien failli y passer !

Et oui, dans le monde romantique de Gradius, les soleils ne sont certainement pas des boules de gaz incroyablement grandes mais plutôt des boules de feu qui peuvent être agglomérés ensemble comme des astéroïdes et dans lequel vivent de terribles dragons s'approchant du voyageur imprudent. Leurs très longs corps peuvent créer des duels toujours renouvelés à chaque nouvelle partie ! Faut dire que le niveau est l'un des mieux fait de toute la série permettant la fuite au joueur débutant comme dans le niveau des moais tout en permettant au joueur expérimenté d'emmagasiner plus de power up en ne fuyant pas les dragons ce qui est évidemment un risque.

Avec ça, la musique nous donne un vrai sentiment d'aventure et d'énergie qui est là pour nous faire tenir durant tout Gradius 2 qui est lui-même sans doute le meilleur de la série sur Arcade ! Quelle belle intro pour le commencer !

Les bulles de l'univers



Imaginez la surprise quand en approchant de cette seconde planète de Gradius III on se retrouve... Coincé entre deux mers ! Les mêmes interrogations que dans le niveau des volcans inversés reprennent ! Suis-je supposé croire que les planètes dans Gradius sont des immenses signes "=" qui flottent dans l'espace et obligent manifestement à passer au milieu comme une sorte de canyon galactique ? Mais plus étonnant : le fait être dans l'espace n'empêche absolument pas de voir apparaitre d'immenses bulles sur votre chemin ! Elles sont solides mais leur tirer dessus permet éventuellement de les détruire ce qui les multiplie en plein de petites bulles plus petites-une mécanique bien connue du genre depuis Asteroid...

Mais dans Gradius elle correspond particulièrement bien puisque les environnements ne sont pas seulement des obstacles en eux-mêmes, mais ils doivent réagir aux actions du joueur ! Et l'idée de faire des obstacles qui se multiplient en tirant dessus est une idée qui sera souvent réutilisé. Pour être honnête, j'aurais pu include avant le niveau de crystaux de Gradius II si facile qu'on voit à peine les démultiplications lorsqu'on est totalement armé ou le niveau de feu de Gradius III qui, à l'inverse, est selon moi le plus dur de toute la série... Mais ce niveau de bulle procure un sentiment plus proche des moais comme le traduit sa musique en faisant nager le joueur dans l'incompréhension tout en l'impressionnant avec d'énormes sprites de bulles de différentes couleurs.



Vers la moitié du niveau, on voit des ennemis arriver dans des petites bulles comme si eux-mêmes n'avait pas pu échapper à ce qui semble être une catastrophe naturelle de ce monde phantasmagorique... Ca les empêchera pas de vous tirer dessus et de rendre ce niveau bien plus délicat cependant. Et donnera une dernière épreuve avant le boss et le départ de ce stage surréaliste.

Les géants organiques



Laissez-moi vous conter l'histoire assez étrange que Gradius entretient avec les mondes organiques. Voyez-vous lorsque Gradius est sorti et fut un immense succès il fut question de développer une suite qui vit le jour l'année d'après sous le nom de... Salamander ! Un shoot-em up qui reprend beaucoup des codes de Gradius comme les proportions du vaisseau, certaines armes iconiques comme les options, le laser ou les missiles mais en modifie également beaucoup comme le système d'armement, le fait de pouvoir jouer à deux en même temps, l'absence de checkpoints puisqu'on reprend directement là où on est mort ou carrément le fait de passer en scrolling vertical un niveau sur deux !

D'une façon générale c'est un excellent jeu avec de nombreuses musiques légendaires même si on y retrouve moins l'aura de mystère et de souffle surréaliste qui enveloppe Gradius. Les niveaux y sont en effet beaucoup plus classiques, avec des champs d’astéroïde, des vols au-dessus de villes ( ? ) ou des bases mécaniques. Tout assez classique en réalité à quelques exceptions notamment le tout premier niveau : On semble naviguer à l'intérieur d'une gigantesque entité vivante ! On y esquive des dents, on y détruit des tissus musculaires qui se reforment... Vraiment un niveau incroyablement inspiré.

Le premier niveau de Salamander / Life Force est bourré d'idée !


Hé bien pour la sortie américaine de Salamander il fut décidé de changer l'histoire et quelques graphismes pour faire croire que l'entièreté du jeu se passe dans un corps alien géant ! Une idée qui fut si bonne que le jeu ressorti avec encore plus de modification dans les graphismes au Japon sous le nom "Life Force" avec le même scénario... Bon, moi je trouve ils ont fait un job qui ressemble plus à du romhack qu'autre chose ! En remplaçant un ciel étoilé par des quadrillages vaguement organiques beaucoup de transitions de niveau sont franchement laides et beaucoup de niveaux mécaniques sont même absolument inchangés comme s’ils avaient eu la flemme... Mais faut reconnaitre, l'idée est bonne !

Et c'est sans doute pour cela que Gradius se mit à avoir à son tour de magnifiques mondes organiques. Techniquement le premier épisode avait un monstre avec des bestioles biologiques bizarre mais c'est bien le 3 qui nous replongera dans cette ambiance si étrange. Ici, les murs sont en vie et bougent au rythme de la respiration d'on ne sait quelle créature planète infernale dont les défenses immunitaires semblent nous chasser tel un vulgaire microbes. De leurs côtés des créatures dotés de tentacules semblent vouloir lentement étouffer le joueur doucement mais surement !

Oui, ce niveau a beau venir d'ailleurs il a parfaitement sa place dans le romantisme de Gradius.

Le labyrinthe de crystal



Dans Gradius III, les différentes idées de monde commencent vraiment à se répéter et la difficulté, elle, ne faisait que monter... Plusieurs raisons à cela, déjà, la structure de développement fait que chaque designer était responsable de son propre niveau jusqu'à en devenir un spécialiste. Forcément que le créateur d'un niveau va le maitriser jusqu'au bout des doigts comparés à un joueur normal ! Du propre aveu des développeurs ils n'ont même jamais testé de faire le jeu en une fois ! Bien peu de joueur ont donc pu atteindre ce niveau qui deviendra l'un des plus marquants de Gradius III.

L'idée est simple : Avoir un niveau qui se construit petit à petit alors que l’on s’y avance ! Ainsi des blocs débarquent et s’échouent un peu partout dévoilant un véritable petit labyrinthe ! Certains blocs peuvent même être brisés avant de se solidifier ce qui modifie durablement l’agencement général. La manière dont les cubes s'agglutinent autour de soi de façon structurée a quelque chose de fascinant comme si dans le monde fabuleux de Gradius, des mondes entiers pouvaient soudainement se construire dans l'espace, voir le jour et disparaitre tout aussi rapidement ! Oui, c'est sans doute pour ça que ce stage a laissé une si forte impression.



... Non en vrai il a laissé une forte impression à cause de l'épreuve finale qui est considéré comme le plus difficile de la série, rien que ça ! Imaginez des cubes fonçant de droite à gauche pour s'agglutiner derrière le joueur qui ont une chance de foncer vers lui EXTRÊMEMENT rapidement, à un moment TOTALEMENT aléatoire. C'est débilement difficile et le seul moyen réaliste de passer ça c'est de s'arranger pour que les cubes s'agglutinent pour former un mur qui protège le joueur des attaques suivantes. Étonnamment, les développeurs prétendent ne jamais avoir pensé à ce scénario et ont fait en sorte que les cubes restent dans l'espace de jeu pour limiter les mouvements du joueur.... Ils semblent sérieux en plus car dans ma version Gradius Origins cette séquence en mode entrainement a une option spéciale qui permet d'identifier clairement le moment où un cube va se mettre à foncer vers un joueur ce qui rend la chose possible. Comme pour encourager à passer l’épreuve normalement même 25 ans plus tard !



Eh ben c'est mort !

La base technologique



La base technologique n'est pas vraiment un monde où le romantisme de Gradius brille particulièrement de nos jours. Après tout, nombreux sont les shoot-em ups depuis à avoir fait des niveaux dans des bases plus ou moins gargantuesques à commencer par R-Type sorti 2 ans après Gradius qui s'en fera une spécialité.

Cependant en 1985, on était à un moment où le concept même que chaque niveau devait être un environnement différent, les joueurs ont sans doute vécu très différemment l'entrée dans un complexe si énorme qu'un vaisseau entier peut s'y faufiler... On pense tous à l'étoile de la mort de Star Wars; complexe mécanique démesuré ( la taille d'une lune ! ) mais qu'un minuscule vaisseau peut malgré tout réussir à abattre simplement en visant un seul point faible très difficile à atteindre... Tous les shmups de cette époque dont Gradius doivent beaucoup à cette idée simple... Notamment celle de son boss principal le "big core" invincible partout à l'exception d'un tout petit endroit au milieu dans lequel il faut tirer pour atteindre le "Core".



Ce principe semble s'appliquer sur tout le niveau entier. Cette base gigantesque et sur armé fera tout pour arrêter le joueur et son minuscule vaisseau. Des cages pour l'emprisonner pendant que les ennemis lui tire dessus, d'horribles lasers dont l'esquive est quasi impossible sans connaitre la route au préalable, des mécanismes gigantesques articulés invincibles qui obligent à se faufiler entre leur jambe... Oui, tout absolument tout pour empêcher le joueur d'arriver jusqu'au bout de son parcours. La base ira souvent jusqu'à elle-même bouger ses murs ou de fermer ses portes pour éviter que le joueur ne puisse s'y infiltrer... En vain.... Car la musique même du niveau très optimiste encourage déjà à la victoire du joueur !

C'est alors là, dans la dernière salle, le joueur se trouve enfin devant la tête pensante de toute l'invasion qu'il a combattue. Un immense cerveau dans le premier Gradius ou des têtes humaines plus ou moins grotesques dans ces suites qui partagent tous un point commun : Être absolument sans défense. Nous sommes dans le point faible, proche du Core, dans la tranchée de l'étoile noire. On a en réalité déjà gagné, mais il ne reste plus qu'à détruire ce dernier obstacle sans défense pour en terminer avec le jeu... Et ça... Ce petit sentiment que cela procure de détruire la chose qui contrôlait tous les obstacles sur votre route alors qu'elle ne peut plus se défendre, cela aussi, c'est le romantisme de Gradius.




Et les autres....

Les exemples ici se concentrent sur les trois premiers Gradius auquel j'ai pu jouer via la récente compilation de jeu... Mais il y en a évidemment d'autres. Gradius Gaiden, l'un des sinon le meilleur épisode de la série avec par exemple son niveau de la décharge composée de plein de petits éléments et de restes d'anciens boss qui continuent à tirer dans leur mort. Les ruines anciennes des Nemesis sur MSX, une série parallèle qui troque son incapacité à faire un scrolling clean par plein de nouvelles idées intéressantes, le niveau des astéroïdes percés tournant sur eux-mêmes de Gradius Galaxies sur GBA qui a une place particulière dans mon coeur puisqu'il est l'épisode avec lequel j'ai découvert la licence... À chaque fois, on se retrouve avec des mondes mystérieux, doté d'une logique unique ou interagissant avec le joueur d'une nouvelle manière originale !

Énorme mention cela dit à Xexex véritable suite ambitieuse de Gradius sorti en 1991 et se jouant davantage comme un R-Type. La folie de ses décors vont peut-être parfois un peu trop loin pour le romantisme de Gradius avec des mondes tellement abstrait comme le monde polygonal qu'on finit par ne plus croire du tout qu'on se trouve dans l'espace... Mais qu'est-ce que c'est cool ! Et d'autres niveaux comme le nouveau des boules semblent vouloir briser la différence entre ennemi et décor... Pareil pour cette superbe reprise du monde organique dont les parois n'ont jamais paru aussi vivantes ! Et avec le recul j'aime encore plus le monde avec les iles flottantes, car ces dernières ont de l'eau qui forment des bandes horizontales ou alors des cascades pour aller en dessous, c'est drôlement chouette. N’hésitez pas à en consulter le très vieil article !



Je m'en suis surtout tenu aux trois premiers Gradius... Mais d'autres niveaux auraient tout autant mérité sa présentation !
Life Force sur NES (1987) a cet étrange niveau égyptien, Nemesis '90 Kai (1993) montre ces têtes mystérieuses et Xexex (1991) est bourré d'idées !



Le poids de la tradition

Que de photos ! Que de souvenirs ! Commencer un nouveau Gradius, c'est partir dans un monde remplis de lieux étranges, surprenants, dangereux... Et souvent familier. Oui, il est certain que Konami sait instaurer une certaine routine, une certaine "tradition" dans ses séries qui permet de plus facilement les aborder et leur donner un côté rassurant. L'autre exemple parfait c'est Castlevania qui a toujours sa tour de l'horloge pour chaque nouvel épisode de la série ( ou même non série dans le cas de Bloodstained ). Gradius est un peu pareil, même si la limite entre itération réussie et répétition bête d'une idée déjà bien rabâchée n'est pas toujours claire selon les épisodes.

Gradius IV a la réputation par exemple d'être un épisode décevant qui ne fait que reprendre des idées déjà vues sans vraiment en faire grand-chose et le premier niveau qui imite celui de Gradius II en plus moche et moins bien doit y être pour quelque chose... Mais certains niveaux suivants sont tout à fait corrects comme la grande mer de lave qui se met à avoir de grandes vagues qu'il faut anticiper... En réalité, si on regarde de près d'autres épisodes comme Gradius II, on remarque que facilement la moitié des niveaux étaient déjà des reprises de son prédécesseur sur lequel il apporte des innovations bienvenues... Et c'est là le grand drame de Gradius IV car Gradius Gaiden sur Playstation avait déjà fait ces innovations deux ans auparavants, apportant un nouveau standard qui ne sera jamais vraiment dépassé !


Une part du romantisme de Gradius tient à ses types de niveaux que l'on retrouve... Comme cet excellent retour des moais sur Gradius Gaiden (1997)
Mais hélas, le manque de nouveautés installa une lassitude pour Gradius IV (1999) malgré son super niveau de lave et Gradius Galaxies (2001)


Bien sûr Gradius Gaiden est un jeu console, plus accessible avec une plus grande mise en scène là où Gradius IV, malgré sa volonté de créer de nouveaux niveaux jamais vu ( son niveau plante est très chouette ! ) parait sage, trop sage... Voir carrément pas très inspiré lorsqu'on revoit apparaitre une énième variation du niveau des moais ou du géant organique. C'est le prix de la tradition. Elle est à la fois ce qui a pu souder une communauté qui ont pu se retrouver sur des lieux communs même en jouant à des épisodes précédents, à la fois ce qui alimente le romantisme de Gradius par une certaine familiarité envers ces lieux oniriques et ces mondes étranges.... Mais c'est aussi la tradition qui a su apporter une certaine lassitude dans la série qui finira remplacé par Parodius qui, faute d'apporter de grandes innovations, permettra dans son délire total d'apporter une autre saveur toute nouvelle.

Enfin, pas totalement puisqu'il y eut bien un Gradius V sur Playstation 2 qui fut commandé par Konami au légendaire développeur Treasure fort de son expérience sur les non moins légendaires Radiant Silvergun et Ikargua... Le résultat est un de mes shmups préférés ! Il est plus accessible que les Gradius en arcade dont il parvient à rééquilibrer la difficulté souvent extrêmement mal maitrisé soit par des niveaux mieux testés ( par le passé, les développeurs globalement étaient chargés de tester leurs propres levels pour voir si ils étaient "possibles"... Ce qui est le meilleur moyen d'avoir un niveau horriblement dur pour le reste de la planète ! ) soit par des règles de jeu tout droit pris de Salamander comme la possibilité de récupérer des options laissées "par terre" lorsque l'on meurt ou tout simplement le fait d'éliminer le système de checkpoint pour reprendre depuis là où on est mort !


Gradius V est le dernier "véritable" épisode de la série et il est fait par Traesure, un incroyable développeur de l'époque !
De prime abord, Gradius V semble vraiment "comprendre" la série avec ses dérivations de Big Core et son niveau de fluide.


Une réponse à ce qu'on appelle généralement le "Gradius syndrome" c’est-à-dire le fait que collecter plein de power up fait que les niveaux sont plus faciles mais que si par malheurs on en venait à mourir, refaire ce même niveau sans power up devient extrêmement dur voire impossible ce qui obligeait souvent les gens à finir Gradius en une vie... Non pas pour être cool mais bien car c'est plus facile de finir le jeu sans perdre de vie plutôt que de reprendre de certains checkpoints ! Un syndrome que Treasure avait habilement esquivé jusque-là en proposant des shmups SANS power-up justement.

Bref, un jeu excellent, qui sait se débarrasser de vielles conventions et apporter plein de nouvelles idées et pourtant...

Et pourtant...

Gradius V ne me parait pas avoir ce romantisme de Gradius. D'ailleurs il a déçu un certain nombre de fans qui se sont empressé de pointer du doigt l'absence de certains niveaux emblématiques comme le niveau des moais... Mais je pense qu'il est plutôt bon que Treasure n'ait pas repris une thématique avec lequel ils n'avaient peut-être pas grand-chose à apporter. L'absence de niveau de moai n'est qu'un symptome, le souci est plus profond que cela...

Gradius V est froid, il prend place la majorité du temps dans des complexes technologiques aseptisé qui ressemblent à s'y méprendre aux décors aussi très impersonnels d'Ikaruga voir même de Radiant Silvergun même si son chara design très shonen le masque un peu mieux.... Et pour de bonnes raisons puisque c'est la même équipe ! Ces niveaux ne sont absolument pas mauvais pour autant, ils apportent même une fraicheur bienvenue à la série tout en introduisant des gimmicks auraient pu avoir leur place dans un Gradius plus traditionnel comme une gestion de fluide dans un niveau qui ne cesse de tilter et de se retourner ou encore cette traversée dans un champ d’astéroïdes si nombreuses qu'elles peuvent en bloquer certains passages rien qu'en existant mais qui servent pourtant de bouclier lorsque viendra un boss tirant une quantité impossible à esquiver de projectile... Oui, Treasure oblige, les boss sont évidemment créatifs et exceptionnels...


Hélas, Gradius V a beau être un FANTASTIQUE shoot-em up, je ne trouve pas qu'il ait le même ton, le même romantisme que les épisodes précédents...
En mettant Radiant Silvergun, Gradius V et Ikaruga côte à côte on voit comme leurs tons sont similaires.


Malgré cela, on sent que le souffle d'aventure un peu naïf de la série a disparu, on a plus de niveaux étranges ou mystérieux... Je ne demande pas forcément de nouveaux moais ! Ca aurait pu être comme ce niveau égyptien de Lifeforce ou même l'invention d'une nouvelle planète en forme de "=" ce qui est très classique dans la série et totalement absent dans cet épisode malgré le potentiel que cela aurait pu avoir sur PS2... C'est tout simplement pas leur truc à Treasure... Mais dans le cadre de notre article, il permet de poser des limites sur ce qu'est et ce que n'est pas, selon moi, le romantisme de Gradius.

Alors quel est il ? Ce romantisme ? Eh bien c'est un mélange... Un mélange de ce sentiment d'aventure positif mené par une musique dynamique, optimiste ou mystérieuse, de cette volonté d'exploration de mondes mystérieux sur lequel les lois de la physique telles qu'on les connait n'ont pas lieu d'être tant que le sentiment qu'expriment ces lieux fonctionnent de ces formes fonctionnelles que prennent les différents mondes inventant une grammaire encore aujourd'hui unique au jeu vidéo et difficile à retranscrire ailleurs et de ce rythme, lent, rappelant celui d'un explorateur au fond d'une caverne armée seulement de sa lampe torche et essayant d'en éviter les dangers. Oui, tout cela, et peut être autre chose encore, c'est sans doute ce qui défini pour moi le romantisme de Gradius.


De la légende à l'oubli

La série est aujourd’hui hélas arrêtée avec le dernier épisode en date - Gradius Rebirth sur Wii par M2 - qui aura été une bonne petite confiserie pour les vieux fans de Konami. Je ne peux m'empêcher de penser qu'on pouvait emporter cet onirisme encore plus loin. Peut-être une planète de fluide où tirer sur la moindre paroi lui fait faire couler un fluide dans lequel va se développer des ennemis particulièrement dangereux. Peut-être une planète avec un plafond et un sol totalement différent ! Avec un sol qui représente une planète luxuriante et un plafond de flamme comme dans Gradius IV qui avance et recule au fil du niveau ce qui a des effets sur la planète en bas. Peut-être pourrait-on jouer avec l'arrière-plan avec un soleil qui a régulièrement des éclipses et le niveau se transforme en fonction de s’il est dans la lumière ou non.... Les possibilités sont si nombreuses et y réfléchir est si fun mais hélas, la mode pour les shmups n'est certainement pas aux environnements intéractifs et surprenants ! Les dernières tentatives sérieuses de Konami de refaire des Gradius sous le nom d’Otomedius avaient hélas montré des décors remarquablement statiques hélas, comme si Konami lui-même avait oublié l’esprit de son propre jeu.


En parallèle, Konami a produit l’excellente série Parodius qui a un ton très différent… Puis vint la déception Otomedius ( 2007 )
Peut-être que Konami a perdu le savoir faire de Gradius… Saluons tout de même M2 pour Gradius Rebirth (2008), une courte confiserie sur Wiiware.


Ce que cela signifie, c'est que si vous aussi vous voulez un peu gouter de ce romantisme que cet article a tenté de définir, il vous faudra revenir dans le passé. Vous pouvez y aller par les Gradius console-plus accessible-comme Gradius Gaiden sur PSX, Gradius Galaxies sur GBA ou même Gradius Rebirth si euh, vous avez une Wii quelque part piraté.... Mais gardez à l'esprit que ces jeux sont soit dans l'itération soit dans la redite d'idées pré-existantes. ( N'oubliez pas non plus que Gradius V-bien que différent dans son esprit-n'en est pas moins l'un de ses meilleurs épisodes ! ) Si vous êtes curieux des vrais épisodes numérotés, ils ont chacuns un portage approprié et simplifié par rapport à l'arcade : Ainsi Gradius et Gradius 2 ont fait les beaux jours du PC-Engine ( avec une belle mention pour les portages Famicom légendaires de l'époque ) ou Gradius 3 sur Super Nintendo est infiniment plus tolérable que l'épisode arcade. Il est bien sûr possible comme moi de jouer aux originaux de l’arcade après avoir régulièrement gouté à ces épisodes ( sans jamais vraiment les finir d'ailleurs ) mais cela demande de beaucoup se débarrasser de ses aprioris.

Les jeux d'arcade sont des jeux qui s'apprécient dans leur répétition et le sentiment d'y arriver de mieux en mieux jusqu'à créer un sentiment de familiarité. Par conséquent, il est tout à fait normal de perdre à un Gradius en y jouant et de ne pas voir beaucoup plus loin que le 1er niveau... puis le 2e... Puis le 3e... J'ai joué pendant des années de cette manière et rassurez-vous, les trois premiers niveaux d'un Gradius sont souvent dans les meilleurs de toute façon ! La mentalité Dark Souls vous aura peut être donné envie de bourrer les crédits pour tenter d'arriver jusqu'au bout à force de répétition... Hélas il n'en ressortira rien, car la malédiction de ces jeux : le Gradius Syndrome fait qu'il vous sera quasi impossible de passer certains endroits sans les armes appropriées. Il ne sert à rien de se frustrer à continuer un passage que même les plus grands joueurs du jeu n'arriverait pas à passer sans armes après tout. Par contre, si votre collection vous le permet, n'hésitez pas à utiliser de savestate et de rewind pour aller jusqu'à la fin du jeu ! Une petite savestate au début du niveau sur lequel revenir alors que vous l'apprenez petit à petit pour Gradius I & II voir carrément du gros rewind pour passer les moments les plus débilement dur de Gradius III fait des miracles ! N'ayez pas l'impression de tricher car à l'époque, tout le monde faisait le fameux "Konami Code" pour pouvoir avoir les armes au maximum au checkpoint dans les versions consoles... C'est bien pour ça qu'il est devenu si célèbre ! Haut Haut Bas Bas Gauche Droite Gauche Droite B A et Start ! Certaines compilations permettent même de l'utiliser sur les jeux d'arcades d'origine ! Bref, Gradius est un vieux jeu, son Game Design est injuste, il n'est pas nécessaire d'être juste avec lui pour l'apprécier alors embarquez dans ce voyage avec l'esprit léger de celui qui n'a rien à perdre en cas de défaite !


Le "Gradius Syndrome" fait qu'en mourrant devant ce boss, je reviens à un checkpoint... Dont il me sera impossible de triompher à mon niveau.
Alors... Abandonnez, c'était déjà une belle partie ! Ou alors faites des savestates, des "Rewinds" ou même le Konami Code ! Personne ne vous juge !
Qu'importe, tant que vous revenez faire une partie de temps en temps ! C'est ça l'amour de l'arcade !


Si vous êtes prêt pour tout ça, vous pouvez aller faire fonctionner l'émulateur MAME bien sûr ou vous pouvez vous rabattre sur les différentes collections. Gradius III et IV sur PS2 fut l'une des premières mais surtout Gradius Collection sur PSP qui comprend les 4 premiers Gradius ainsi que Gradius Gaiden, rien que ça. Et le très récent Gradius Origins sur Switch qui lui ne comprend que Gradius 1, 2 et 3 mais compense en rajoutant Salamander 1, 2 ainsi qu'un tout nouvel épisode Salamander 3 développés spécialement pour l'occasion ce qui fait chaud au cœur ! C'est celui que j'ai pris et qui m'a poussé à écrire cet article !

Le jeu vidéo ça peut s'apprécier de tonnes de façon différente... Dans l'optimisation des mécaniques, dans l'immersion dans un personnage, dans l'appréciation d'un scénario, dans le fait de jouer une partition, dans celui de se vider la tête sur une activité qui se joue tout seul ou au contraire de s'acharner sur un obstacle jusqu'à la libération. Le romantisme de Gradius, c'est ce petit sursaut au coeur que j'ai en démarrant une partie, en écoutant une musique voir en m'interrogeant sur les mondes traversés... Une façon d'apprécier un jeu comme une autre au final.




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A propos de Gradius (Shoot 'em up) sortis en 1986 sur Arcade

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