Nintendo DS   Ghost Trick   Aventure   2010  PAR Folkefiende 





J'avais envie de me faire un jeu d'aventure sur portable, mais j'avais déjà fait tous les Ace Attorney (sauf la suite d'Investigations, évidemment), il y a de ça un petit temps déjà. C'est là que je me suis rendu compte que Shu Takumi, le gars derrière la série depuis son premier épisode en 2001, avait bossé récemment en tant que directeur sur une nouvelle licence... et comme j'avais beaucoup aimé ce qu'il avait fait jusqu'à présent, je me suis lancé tête baissée dans cette nouvelle production.

Ghost Trick: Phantom Detective (simplement Ghost Trick au Japon), développé par Capcom donc et sorti en 2010 sur Nintendo DS, est un jeu d'aventure qui n'a au final que très peu de similarités avec Ace Attorney. Ce n'est plus un point & click (même si on peut considérer qu'il en reprend vaguement certaines mécaniques), et l'aspect visual novel est presque entièrement abandonné même si le jeu reste très scénarisé. Et c'est pas plus mal ! Il était temps de trouver quelque chose nouveau. Ghost Trick est-t-il digne de ses aînés ?

Le jeu commence d'une manière assez particulière. En effet, au début, le héros que vous incarnez, qu'on appellera Sissel, est... mort. Hé oui. Deal with it. Au beau milieu de ce qui semble être une décharge gît un corps sans vie, avec une jeune fille rousse à sa gauche et un homme en costume armé d'un fusil à pompe à sa droite. Qu'est-ce que vous pouvez bien faire là ? Impossible de vous en rappeler : Vous avez complètement perdu la mémoire. C'est décidément pas votre jour. Et d'ailleurs... Comment se fait-il que vous commentiez votre propre mort, au fait ? Ne vous inquiétez pas ; une voix énigmatique qui résonne dans votre tête vous explique tout : En fait, l'âme des morts ne disparaît pas directement, il reste encore 24 heures avant qu'elle ne s'éteigne définitivement. Certaines personne ont même la particularité d'avoir des pouvoirs appelés "Ghost Tricks"... et vous l'êtes l'une d'elles ! Mais en quoi peuvent-ils bien consister ?


Dur.

En fait, vous pouvez passer en "Ghost Mode". Le temps arrête alors son cours, et vous avez la possibilité de posséder des objets inanimés ... En fait, les objet possèdent des "noyaux", et vous pouvez les relier au stylet pour vous déplacer entre eux tant qu'ils ne sont pas trop éloignés. Mais ce n'est pas tout ! Une fois de retour au monde des vivants, vous pouvez lancer un "trick" avec la plupart des objets, en gros vous en servir. Bien sûr, presque chaque objet a son trick bien propre : Allumer et éteindre une lampe, ouvrir et fermer une porte, actionner un mécanisme, secouer un bol, secouer une tenture, gratter les cordes d'une guitare, faire glisser un piédestal à roulettes, etc. Je ne vous en dis pas plus sur les différents tricks existants dans le jeu, puisque ce serait vous gâcher une partie du plaisir qui est de découvrir la façon dont on peut utiliser un objet qu'on vient de posséder. Bien entendu, ces actions ne seront pas sans conséquence sur votre environnement ! Non seulement elles peuvent modifier le level design, avec un objet qui se déplie qui vous permet du coup d'atteindre des noyaux qui étaient hors de portée par exemple, mais elles peuvent aussi avoir un impact sur la situation en cours, avec un bruit qui attire l'attention d'un personnage ou une décoration d'intérieur qui fait tomber un autre objet. Évidemment, tout ça se compliquera rapidement et vous aurez à manipuler plusieurs objets en même temps avec le bon timing, comme avec un dispositif qui dévie la trajectoire d'une balle ou tout simplement... un robot-mixeur qui lève un drapeau. Ce sera souvent tiré par les cheveux sans pour autant être impossible à deviner, ce qui est probablement la plus grosse qualité du gameplay de Ghost Trick.


On entre dans le Ghost Mode, on se déplace entre les objets puis on lance le trick qui va nous permettre de progresser.
C'est aussi simple que ça, et le gameplay est pourtant assez riche : Le concept permet plein de possibilités.
(Vous noterez que l'écran du haut renseigne sur le trick assigné à l'objet possédé)


Enfin... Ça vous fait une belle jambe. Vous ne savez toujours pas qui vous êtes et la jeune fille, qui est sans doute la seule piste pour comprendre votre mort, est toujours tenue en joue. Avec vos Ghost Tricks, vous parvenez à déstabiliser l'énigmatique assassin un petit temps, mais... la rousse finit quand même pas se faire descendre. Raté. Mais en fait... ce n'est pas si grave ! La voix dans votre tête se révèle être celle de Ray, qui apparaît sous la forme d'une... lampe de bureau, et il vous rappelle que l'âme des morts ne s'évanouit pas tout de suite... et que vous allez donc pouvoir la sauver ! Et tout ça à l'aide d'un autre Ghost Trick : Vous n'avez pas simplement le pouvoir de posséder les objets, mais aussi de revenir 4 minutes avant la mort d'une personne afin d'essayer de la sauver ! En fait, la plus grosse partie de ce jeu se déroulera dans le passé des victimes en question. On pourrait même considérer que c'est le but du jeu, dans le sens où ces sauvetages plus qu'in extremis rythment le développement scénaristique de l'histoire. Voyons avec un peu plus de détails...

Pour pouvoir remonter dans le temps, il va falloir atteindre le noyau du corps sans vie de la personne à "sauver". Vous entrerez du coup en contact avec son âme, et vous pourrez ensuite assister aux 4 dernières minutes de sa vie. Et bien mémoriser les différents éléments de ces situations est primordial, puisque la séquence de gameplay qui va suivre demandera justement que vous y interveniez pour empêcher la mort de la malheureuse victime. Mais ne croyez pas que ce sera facile parce que vous connaissez le déroulement d'avance ! Il va falloir au contraire prendre en compte l'évolution du milieu et des personnages pour pouvoir trouver les bons moments pour vous déplacer et enclencher des tricks : Utiliser le chapeau d'un NPC qui passe à proximité ou ouvrir une porte pile au moment où un objet tombe devant pourra se se révéler vital pour la résolution des énigmes. Cela demandera un bon timing, et même souvent plusieurs essais : Il est tout à fait possible de se retrouver coincé parce qu'on ne s'est pas déplacé sur un objet qui devient à un moment inatteignable, parce qu'on a lancé un trick en particulier trop tôt ou trop tard, ou même simplement parce que le temps est écoulé et que la victime s'est faite tuer "comme prévu". Le principe de "trial & error" peut sembler à première vue être l'aspect le plus rebutant du jeu, et c'est effectivement une mécanique relativement difficile à faire passer sans encombre... et pourtant, Ghost Trick y parvient haut la main ! Le jeu a été pensé pour atténuer les désavantages de ce genre de gameplay, notamment en permettant de recommencer la séquence de 4 minutes à tout moment. Et quand vous avez complètement foiré un truc, Sissel a d'ailleurs tendance à vous le faire remarquer indirectement via un monologue, ce qui permet de ne pas avoir à perdre son temps pour deviner qu'on s'était planté et qu'il fallait recommencer depuis le début. Au final, on ne râlera que quelques fois devant un échec ; le reste du temps, perdre n'est même pas désagréable, la richesse du gameplay combinée à des mécaniques soignées faisant que des fails en série sont parfaitement intégrés dans l'expérience du joueur. Une fois le destin de la victime altéré, vous pourrez revenir dans le présent et la nouvelle histoire que vous venez de réécrire continuera son cours... Voilà ! Maintenant que vous avez fait un usage efficace de vos Ghost Tricks, vous avez été capable de sauver la fille ! Cela dit, l'aventure est naturellement loin d'être terminée, et la jolie rousse décampe vite fait. Il va falloir la suivre dans ses pas !

Vous noterez que les déplacements entre les différents tableaux se font souvent par téléphone : En effet, un autre Ghost Trick vous permet d'utiliser les lignes téléphoniques comme un moyen de transport. Si elles servent surtout, au début du jeu, à clore un chapitre en vous envoyant dans une nouvelle zone relativement éloignée, sachez qu'elles ne tarderont pas à venir réellement s'intégrer dans le gameplay un peu plus tard !


Pour sauver les victimes de leur destin funeste, il faudra bien connaître la configuration des évènements.
Influencer le cours des choses vous demandera du timing, et le temps vous est compté...
mais vous pourez toujours recommencer si vous foirez votre coup.


Mais j'ai beau avoir parlé de morts étranges et de rousses en cavale, je n'ai toujours pas abordé le scénario du jeu en lui-même. Après tout, je l'ai dit moi-même au début de la review, le jeu reste fortement scénarisé. Revenons-en donc à la jeune fille : En fait, elle s'appelle Lynne, et elle se révèlera rapidement être votre principal compagnon au cours de l'aventure. Après tout, Sissel est déterminé à en apprendre plus sur sa mort avant l'aube, et Lynne est un des nombreux personnages dont notre héros aura à faire la connaissance pour espérer comprendre quelque chose à ce foutoir. Alors, la toile de fond du jeu est-elle réussie ? Hé bien, à l'aide d'un scénario bien ficelé et d'un background aussi solide qu'original, totalement ! Certes, bien des passages sont vraiment tirés par les cheveux (mention spéciale au dénouement final, qui fait passer la dernière enquête de Trials and Tribulations pour du néo-réalisme italien en comparaison), mais j'ai envie de dire que ça fait partie intégrante de Ghost Trick, où le "détail qui change tout" est au cœur du jeu. Et si le début de l'aventure est un peu flou, ce vide temporaire est très vite comblé par un cast haut en couleurs composé de personnages ayant tous leurs mimiques bien propres.

Je ne m'attarderai pas sur l'OST de Masakazu Sugimori (qui était aussi le compositeur du premier Phoenix Wright) : Elle n'est pas mauvaise, loin de là ; elle sert même très bien l'ambiance du jeu... mais elle n'est pas vraiment mémorable. Elle est tout à fait honnête ingame, mais on y reviendra pas spécialement.

Par contre, on va revenir sur les personnages ; voilà ce qui fait le réel intérêt esthétique du jeu : Son aspect visuel ! Non seulement le cast est très bien servi par un charadesign au poil réalisé par Koki Kinoshita (qui s'était fait plutôt discret jusqu'à présent malgré le fait qu'il ait déjà bossé sur Street Fighter III et Devil May Cry 2) et dont le mélange entre codes anime et DA américain, qui n'est pas sans rappeler un certain Hiroyuki Imaishi (Gurren Lagann, Panty & Stocking), accompagne bien le caractère abusé des personnages. Mais plus impressionnant encore, c'est l'animation, qui est tout simplement superbe ! En effet, si les décors du jeu sont bien en 2D, les personnages sont eux des modèles en 3D reconvertis en sprites impeccablement bien animés. J'ai carrément été mis sur le cul ! Et Ghost Trick n'était pourtant pas l'épreuve la moins ardue à ce niveau, avec ses personnages qui ne tiennent pas en place... Mention spéciale au pas de danse d'entrée de l'inspecteur Cabanela, qui est super bien foutu ET franchement drôle.


Nos deux protagoniste : Sissel, le détective fantôme malgré lui, et Lynne, la rousse prise pour cible...
et au milieu, Missile, le Loulou de Poméranie professionnel !
Le style de dessin angulaire, les aplats de couleurs vives et les proportions volontairement exagérées,
couplés à des expressions de visage plus typées manga, sont du plus bel effet.


Et c'est sur cette note que je termine ma review. Bref, Ghost Trick, c'est un très bon jeu d'aventure qui mérite d'être considéré comme le successeur des Ace Attorney en termes de qualité de production, à défaut de pouvoir faire une comparaison entre les jeux en eux-même. C'est beau, c'est intéressant et c'est prenant. Vous ne perdez rien à passer une (petite) quinzaine d'heures dans la "peau" de Sissel pour percer le mystère qui se cache derrière sa mort, le jeu les mérite largement !




Inspecteur. Cabanela. Putain.


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